
Récit d’entrepreneure – Cette section du blogue est dédiée à l’écriture du livre autobiographique de notre présidente fondatrice, France Longpré. À travers une série d’articles, elle partage les grandes étapes de son parcours entrepreneurial, qui a franchi le cap des 20 ans en 2024. Elle pose un regard actuel sur les moments marquants, les apprentissages et la croissance – personnelle comme organisationnelle – qui ont façonné son chemin. Une invitation sincère à inspirer les entrepreneures d’aujourd’hui… et de demain.
Bâtisseuse… et pêcheuse
Ce que j’entends, et ceux et celles qui le disent ont sûrement raison, même si je ne suis pas prête à l’entendre, c’est : « France, un jour, tu prendras ta retraite. Et si ton entreprise ne peut se passer de toi, alors ce ne sera pas viable à long terme. » Cette idée me bouscule. Elle soulève en moi mille réflexions. Est-ce qu’il m’arrive de vouloir être ailleurs? Bien sûr! En vacances, à la maison, les mains dans la terre, en train de jardiner, de lire un bon livre, ou encore dans un congé sabbatique à voyager sans contraintes d’horaire. Oui, il y a des endroits où j’aimerais parfois me retrouver. Des endroits où je me sens connectée à l’essentiel.
J’adore la nature, c’est mon refuge, mon équilibre, mon souffle.
La pêche miraculeuse
Quand j’étais jeune, notre famille avait un chalet à Mattawin, dans la ZEC du Chapeau-de-Paille. Ce lieu, c’était notre havre de paix. Je me souviens encore des matinées fraîches où le silence était seulement troublé par le chant des huards. Mon frère Réjean m’avait appris à imiter le chant de cet oiseau avec mes mains. Oui, j’aimais cet endroit qui portait en lui les souvenirs des étés en famille, des feux de camp, des rires, des histoires, et surtout, des journées de pêche que je chérissais comme des trésors.
Après le décès de ma mère en 2021, la famille a décidé de vendre le chalet. Mais avant que tout soit officialisé, j’ai voulu y retourner seule, une dernière fois, pour lui dire au revoir. J’y suis restée une semaine. À renouer avec mes racines et à retrouver ma paix intérieure. J’avais apporté mon kayak, ma canne à pêche et une boîte de vers… mal fermée. Évidemment, les vers ont fugué! Je me rappelle être allée cogner chez le voisin pour lui en demander d’autres. De quoi avais-je l’air!
Mais ce dont je me souviens le plus, c’est que, cette fin de semaine là, j’ai vécu une pêche miraculeuse. Des truites grises, en kayak! Presque impossible, mais j’ai réussi. Ce moment reste gravé dans ma mémoire. Ce n’était pas juste une prise, c’était une reconnexion. Une reconnaissance. Une gratitude pure.
J’ai compris ce jour-là que la nature, la pêche, ce sont plus que des loisirs pour moi. Ce sont des ancrages. Des repères qui me ramènent à l’essentiel.
Et j’ai choisi de ne plus les mettre de côté.
« Je ne veux pas bâtir un empire. Je veux bâtir un écosystème vivant, autonome, en croissance constante, mais jamais dépendant d’une seule personne. »
Bâtir l’entreprise : ma quête d’équilibre
Pendant la pandémie, j’ai décidé que j’allais continuer à faire grandir l’entreprise, malgré tout. C’est ainsi que m’est venue une idée un peu folle : et si je me procurais un motorisé pour aller visiter mes clients dans les régions éloignées? Mon comptable m’a dit que c’était possible. Alors je me suis lancée. J’ai exploré le Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue, Charlevoix… en motorisé! Je demandais à mes clients s’ils me permettaient de m’installer sur leur terrain. C’était une autre manière de travailler, plus libre, plus humaine. Et tellement plus proche de mes valeurs.
Un jour, à Charlevoix, après une journée bien remplie, j’ai senti que j’avais envie de me faire plaisir. Pas un resto, pas un massage. Non, j’ai choisi d’aller pêcher à la mouche… le saumon! Un rêve que je caressais depuis longtemps. C’était un moment suspendu, hors du temps. L’eau froide, le silence du matin, le lancer précis, la patience, la connexion avec l’instant présent.
Ces moments me rappellent que oui, je travaille fort, mais que je mérite aussi de me récompenser. Et que je dois me permettre ces bulles de liberté pour continuer à donner le meilleur de moi-même.
Parfois, une petite voix me souffle : Et si tu n’étais plus là demain? Qu’arriverait-il à ton entreprise? Et je sais, dans le fond de mon cœur, que si mon entreprise repose uniquement sur moi, ce n’est pas durable. Ce n’est pas juste pour moi, ni pour les gens qui me font confiance. Je ne veux pas bâtir un empire. Je veux bâtir un écosystème vivant, autonome, en croissance constante, mais jamais dépendant d’une seule personne.
Mon rêve, c’est que mon entreprise puisse continuer à grandir, même quand je serai ailleurs… peut-être dans un kayak, quelque part dans une zec, à attendre tranquillement qu’une truite morde à l’hameçon. Pas pour fuir. Pour me retrouver.
Et surtout, pour laisser à d’autres la chance de prendre la relève, d’innover, de porter le flambeau à leur manière.
Parce que c’est aussi ça, la vraie réussite : créer quelque chose qui nous dépasse.
Ma sœur Lyne et mon frère Mario, mes complices de pêche